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Ecole à 3 ans ou congé parental pour combler le manque de places en crèche à Genève

Ecole à 3 ans ou congé parental pour combler le manque de places en crèche à Genève

Estelle Liechti - Le Temps

Deux élues genevoises proposent d’abaisser l’âge d’entrée à l’école afin de libérer des places d’accueil extra-familial. Le DIP pointe le coût de l’opération et le manque d’infrastructures, alors que le congé parental pourrait être une solution.

Le débat vient de trouver son issue au niveau fédéral. Mercredi, le Conseil national décidait d’octroyer une aide de 770 millions par an aux parents afin de réduire de 20% les tarifs de l’accueil extra-familial de leur progéniture. Une décision saluée par la gauche et par une partie de la droite, alors que le Conseil des Etats s’emparera du dossier dans les prochains mois. En tout état de cause, il s’agit d’une musique d’avenir et ce financement ne résoudra pas à lui seul le déficit de places et leur coût. À Genève, la problématique reste la même: les places de crèche sont chères et rares.

Si, en 2021, l’offre d’accueil s’est particulièrement étoffée avec 360 places supplémentaires, elle reste insuffisante pour répondre à l’entier des demandes des familles genevoises – de loin. En mars 2022, un audit de la Cour des comptes révélait qu’il manquait 1132 places de crèche uniquement en ville de Genève. À l’approche des élections cantonales d’avril, les propositions pour repenser l’accueil extra-familial émanent de toute part. Parmi elles, celles de Delphine Bachmann et d’Anne Hiltpold, candidates au Conseil d'Etat, qui souhaitent toutes deux abaisser l’âge d’entrée à l’école à 3 ans pour pallier le manque de crèches.
Une proposition qui peut étonner, mais qui est cruellement nécessaire, selon Anne Hiltpold, conseillère administrative PLR de Carouge. «Aujourd’hui, seul un enfant sur deux a accès à une crèche. Une réforme en profondeur est nécessaire, à la fois pour soulager les parents, mais aussi pour garantir l’égalité des chances entre les enfants», explique l’élue. Son projet: prévoir une année de maternelle ou d’école enfantine, obligatoire ou facultative, dès 3 ans. Un tel fonctionnement a déjà fait ses preuves en France et au Tessin. «Cette modification devrait aussi s’inscrire dans la proposition de l’horaire continu, où l’horaire pourrait être réduit pour les plus petits, comme à l’Ecole des Eaux-Vives.»


Un système «déconnecté de la réalité»

Delphine Bachmann est plus réservée. L’élue du Centre au Grand Conseil souhaite que l’abaissement de l’âge d’entrée à l’école prenne d’abord la forme d’un projet pilote. La première année d’école aurait lieu à 3 ans, de manière obligatoire. «Dans les écoles privées, les enfants entament souvent leur scolarité à 3 ans. Pourquoi ne pas étendre ce fonctionnement à l’école publique?»
But: limiter les inégalités et la complexité des moyens de garde. Delphine Bachmann précise toutefois que l’abaissement de l’âge d’entrée à l’école doit obligatoirement être couplé à l’instauration des horaires continus. «Séparer l’un de l’autre n’aurait aucun sens. Imposer un rythme scolaire standard à un enfant de 3 ans n’est pas en adéquation avec son développement.» Sur ce dernier point, l’élue centriste précise qu’elle avait déposé une motion en 2020 à ce sujet, et que celle-ci devrait être traitée cette semaine au Grand Conseil.


Un coût estimé à 87 millions par an

Quelles seraient les implications, notamment financières, d’une telle proposition? Le Département de l’instruction publique (DIP) a effectué un début d’analyse purement technique, les projets des deux élues n’étant pas encore totalement définis. Selon ses calculs, basés sur la population résidente du canton de Genève en 2021, près de 5300 enfants seraient concernés. «L’encadrement supplémentaire serait d’au moins 660 postes, pour un coût annuel d’environ 87 millions uniquement pour le DIP, hors équipement, qui serait un report de charges des crèches communales vers l’école cantonale.»
La proposition des deux élues, qui appartiennent à deux partis qui tendent à penser que les dépenses étatiques doivent être freinées, peut donc paraître paradoxale. De fait, la mesure revient à soulager des communes plutôt riches pour alourdir le fardeau d’un Etat plutôt pauvre. Face à cela, Anne Hiltpold se montre sceptique quant au chiffre avancé par le DIP. «Je demande à voir les justifications. Et puis, c’est une question de priorité: on doit miser sur l’éducation précoce et la formation des jeunes.» Delphine Bachmann abonde dans ce sens: «Les dépenses de l’Etat sont certes importantes, mais l’éducation doit être une priorité.»


Des salles d’école à l’étroit

Le DIP précise aussi qu’en termes de locaux, «la majorité des écoles primaires arrive à saturation», et que l’arrivée de nouveaux enfants dans les établissements scolaires représenterait «un défi énorme» pour les communes. Sans compter que la prise en charge des plus petits nécessiterait d’importants aménagements des locaux, du mobilier et des espaces extérieurs. L’encadrement parascolaire, assuré par le Groupement intercommunal pour l’animation parascolaire, devrait aussi être repensé pour tenir compte de l’accueil des plus jeunes. Autrement dit, la mise en œuvre de cette proposition bute sur des écueils importants.


A l’autre bout du spectre, le congé parental

Au sein des crèches, une autre idée circule, prenant le problème par l’autre bout: repousser l’arrivée des bébés grâce à un congé parental de douze mois. Ce qui suffirait à satisfaire la demande d’accueil. Christina Kitsos, conseillère administrative de la ville de Genève, se dit favorable à une telle mesure «afin que les parents, notamment les pères dont les droits sont quasi nuls, puissent avoir les meilleures conditions pour créer les liens nécessaires à l’épanouissement de leur enfant.» La responsable du Département de la cohésion sociale et de la solidarité précise que l’introduction d’un congé parental libérerait du personnel et des moyens pour les plus grands, «le taux d’encadrement étant plus élevé pour les plus petits». Elle ajoute que la demande d’accès à une crèche est également plus forte pour les jeunes enfants, notamment en raison des offres de scolarité privée dès l’âge de 3 ans.

La question du congé parental ne résoudra toutefois pas l’entier du problème, prévient Christina Kitsos, et doit être accompagnée de mesures pour lutter contre la pénurie de personnel éducatif. Pour autant, la question devrait bientôt trouver réponse en votation populaire: l’initiative des vert’libéraux pour un congé parental a abouti à la fin du mois de janvier, après l’approbation du Conseil d'Etat et du Grand Conseil. Il n’est toutefois pas de douze mois, et donc insuffisant pour libérer des places en crèche.

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