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Elections genevoises: Anne Hiltpold, la patiente ascension d’une héritière

Elections genevoises: Anne Hiltpold, la patiente ascension d’une héritière

Sylvia Revello - Le Temps

La candidate PLR a créé la surprise au premier tour de l’élection au Conseil d’Etat. Face à ceux qui pointent son manque de charisme et de notoriété, la conseillère administrative à Carouge revendique une action politique de proximité.

C’est la surprise du premier tour de l’élection au Conseil d’Etat genevois. Conseillère administrative à Carouge, la PLR Anne Hiltpold s’est placée en quatrième position. Pour ceux qui connaissent le parcours de cette élue de terrain qui a patiemment tissé sa toile, sagement attendu son heure avant de se lancer, ce résultat n’est en réalité qu’une demi-surprise. Ni frondeuse ni flamboyante, Anne Hiltpold cultive un style discret, nourri par un solide ancrage communal. Trop discret? Face à ceux qui pointent son manque de charisme ou de notoriété au niveau cantonal, elle revendique son action de terrain. Chez elle, pas d’envolées oratoires ou de grands débats philosophiques, mais une volonté de répondre aux préoccupations concrètes des citoyens.

Benjamine d’une dynastie radicale, la candidate assume son héritage familial tout en relativisant son importance. Ancien maire de Carouge, son père lui a transmis le virus de la politique, certes, son frère n’est autre que l’ancien conseiller national Hugues Hiltpold et son cousin, Serge, siège au Grand Conseil, mais elle n’est pas qu’une héritière. «Mon nom m’a ouvert des portes en politique, mais ne m’a jamais garanti de siège. Mes élections et réélections, je ne les dois qu’à moi-même», affirme celle qui a fait son entrée au Conseil municipal de Carouge en 1999, puis à l’exécutif en 2015 avant d’être facilement réélue en 2020. Après des années en «zone de confort», saura-t-elle trouver sa place hors de son fief?

«Je me suis laissée tenter»

Si Anne Hiltpold se garde de tout carriérisme, elle assume une certaine ambition. Lors de la partielle de 2021, l’idée de se hisser à l’échelon cantonal la titille. «Au départ, j’avais peur de ne pas avoir la légitimité, n’ayant jamais siégé au Grand Conseil. Pour cette élection, j’ai été sollicitée par mon parti et je me suis laissée tenter», confie-t-elle, rappelant que la politique est aussi une question de timing. «Quand j’ai un objectif en tête, je fais tout pour y arriver.» Alors que ses chances d’être élue sont désormais réelles, la PLR de tout juste 50 ans, passionnée de course à pied, se verrait bien reprendre le Département de l’instruction publique, de l’aménagement du territoire, voire de l’économie.

Mais quel est son profil? Difficile de la situer précisément au sein de son parti tant ses prises de position sont prudentes et souvent consensuelles. «C’est le genre d’élues de terrain pour lesquelles les considérations gauche-droite se trouvent reléguées au second plan et qui parviennent à convaincre au-delà de leur camp», rétorque le député PLR Cyril Aellen, qui la décrit comme une personnalité bosseuse et loyale qui ne se met pas en avant mais sait jouer le bon coup au bon moment.
Egalement avocate à la Chambre immobilière genevoise, Anne Hiltpold est souvent perçue comme la défenseure des propriétaires. Elle milite notamment pour construire davantage de propriétés par étages dans le canton. Durant cette campagne, elle a également mis en avant sa fibre sociale, en prônant l’école dès 3 ans ou encore l’horaire continu censé faciliter la vie des parents. Défendre à la fois les préoccupations des plus précaires et les partisans du libéralisme économique, un grand écart difficilement tenable? «Je comprends qu’on puisse y voir un paradoxe mais je crois qu’on peut défendre le logement social pour ceux qui en ont vraiment besoin, tout en valorisant le retour au travail», répond l’intéressée. Quant au lobby immobilier qui étranglerait les locataires, elle refuse la caricature. «Dans le contexte de pénurie, il y a bien sûr des abus, mais on oublie souvent qu’il existe une quantité de petits propriétaires qui payent énormément d’impôts et ne roulent pas sur l’or.»

«Son seul défaut, c’est d’être de droite!»

Son positionnement modéré est-il électoraliste? Pas si on en croit ceux qui la côtoient à la mairie de Carouge, où elle est notamment chargée du Département de la petite enfance et du social. A l’image du petit miracle de la cité sarde, où droite et gauche semblent vivre en bonne intelligence, Anne Hiltpold fait l’unanimité. «Depuis 2015, il n’y a pas eu de sujets de discorde majeurs. Nous avons toujours réussi à trouver des solutions qui conviennent à tous», salue la conseillère administrative socialiste Stéphanie Lammar. «Quand elle nous a annoncé sa candidature, je lui ai dit qu’en cas d’élection je la regretterai.» La candidate PLR n’a-t-elle donc aucun défaut? «Son seul défaut, c’est d’être de droite» sourit Stéphanie Lammar.

Le conseiller national vert Nicolas Walder, qui a travaillé à ses côtés durant cinq ans, vante lui aussi son sens de la collégialité et du consensus, sa personnalité sérieuse et à l’écoute. S’il confirme l’existence d’une fibre sociale chez son ancienne collègue, il pointe le dilemme de la droite libérale dans lequel Anne Hiltpold est engluée comme d’autres avant elle. «Elle affirme vouloir baisser les impôts, mais comment ne pas le faire au détriment des prestations?» questionne-t-il.

«On ne la sent pas passionnée»

Egalement vice-présidente à la FASe (Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle), Anne Hiltpold siège avec le président Charles Beer, qui la décrit comme un «bras droit fiable». Alors que la fondation est empêtrée dans le dossier complexe du report de charges entre canton et communes, l’ancien conseiller d’Etat socialiste affirme avoir toujours pu compter sur elle durant ces négociations. «Au-delà de ses intérêts en tant que représentante d’une commune et membre de l’ACG, elle a toujours fait passer la jeunesse avant tout», ajoute-t-il. Si Charles Beer concède qu’elle n’a ni le profil d’une «batteuse d’estrade ou de tribunitienne», il souligne qu’elle sait écouter et décider le moment venu.
Au sein du Conseil municipal, certaines voix se montrent plus critiques. On pointe un manque d’envergure et de passion, des interventions molles et peu visionnaires. «On ne la sent pas passionnée, elle suit la ligne de son parti, mais ne va pas se battre pour ses idées», glisse un ancien élu.

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